Le Monte Cassino

Monastère du Monte Cassino tel que reconstruit après la guerre

Monastère du Monte Cassino tel que reconstruit après la guerre

Si la bataille du Belvédère se déroule à environ huit kilomètres du Monte Cassino, il nous apparaît néanmoins utile de présenter ce site symbolique dont le seul nom rassemble tous les combats menés dans la région de Cassino de janvier à mai 1944.

L’abbaye du Monte Cassino (ou Mont Cassin en français) est située au sommet du mont éponyme. Fondée en 529 par saint Benoît de Nursie, elle est considérée comme le berceau de l’ordre des Bénédictins et son rôle dans l’histoire de la chrétienté fut immense.

L’abbaye renferme des trésors culturels d’une valeur inestimable dont une bibliothèque renfermant des livres enluminés byzantins de plus de mille ans d’âge.

Si l’attitude des Allemands à l’égard de l’abbaye fut irréprochable, on ne peut malheureusement pas affirmer la même chose du côté des Alliés.

Tout d’abord, les Allemands entretenaient de bonnes relations avec les moines et en particulier avec l’Abbé, Monseigneur Diamare. En octobre 1943, les Allemands, conscients des dommages que la guerre pourrait provoquer à l’égard des richesses de l’abbaye, font entièrement évacuer les trésors de l’abbaye avec le sens de l’organisation et du détail qu’on leur connaît. Chaque bien est inventorié, répertorié, emballé avec soin. Le colonel Schlegel, esprit ouvert et respectueux de l’art, surveillera les opérations. Le général von Senger und Etterlin intervient personnellement pour diriger le convoi sur le Vatican et on ne peut dès lors accuser les Allemands d’avoir détourné ces biens à leur profit.

En février 1944, le général néo-zélandais Freyberg va vouloir s’obstiner à détruire l’abbaye bien que les Alliés ne disposaient d’aucun renseignement sur une occupation de l’abbaye par des Allemands. Clark et Juin vont vainement tenter de s’opposer à cette décision tant pour des raisons d’éthique que stratégiques faute de renseignements fiables. Les faits donneront raison à Clark contraint de s’incliner devant l’ordre d’Alexander. Clark était convaincu que cette décision de Freyberg et d’Alexander était une erreur grossière. Freyberg, qui multipliera les erreurs stratégiques dans la campagne d’Italie, imposera donc cette solution brutale et rudimentaire : bombarder sans discontinuer l’abbaye pendant trois journées.

Le résultat est sans appel pour les Alliés : le bombardement du Monte Cassino fut non seulement un outrage à l’égard d’un monument incomparable de la civilisation chrétienne mais une erreur de stratégie qui eut l’effet contraire de celui escompté par Freyberg et Alexander.

En effet, non seulement l’abbaye était vide de toute arme ou allemand au moment du bombardement et ne constituait nullement une forteresse occupée par les Allemands, mais bien au contraire, les ruines de l’abbaye bombardée sans relâche permirent aux Allemands de les occuper.

Le général von Senger und Etterlin écrit à ce sujet :

Le bombardement eut l’effet contraire de celui qu’on en attendait. Nous pûmes, dès lors, occuper tranquillement l’abbaye, d’autant que les ruines se prêtent mieux à la défense que des bâtiments. Pendant la guerre, il faut abattre les bâtiments qu’on veut défendre. Ainsi, les allemands obtinrent un point d’appui dominant, puissant et qui se révéla très précieux dans tous les combats ultérieurs.

La clairvoyance et la hauteur de vue de Clark doit être soulignée.

Voici un extrait de son témoignage d’après-guerre impitoyable pour la décision de Freyberg et Alexander :

Je dis que le bombardement de l’abbaye qui se dressait au sud-ouest de Cassino, sur le sommet de la colline, a été une erreur, et je le dis en pleine connaissance des controverses déchaînées par cet épisode de la campagne d’Italie. […]

J’étais l’un de ces chefs et c’est moi qui dirigeais les opérations de Cassino. J’ai affirmé à l’époque que rien ne prouvait que l’ennemi utilisait l’abbaye à des fins militaires. Maintenant, je maintiens, et nous en avons la preuve certaine, qu’aucun soldat allemand, sauf des émissaires, ne pénétra jamais à l’intérieur du monastère dans un autre dessein que d’y soigner les malades ou de le visiter. […] Le bombardement de l’abbaye fut non seulement une faute psychologique nuisible à notre propagande, mais encore une faute de tactique des plus graves. Il a rendu tout simplement notre tâche plus difficile, plus coûteuse en hommes et matériel et nous a fait perdre du temps.

 

Juin confirmera dans « la Campagne d’Italie » que telle fut bien la position de Clark. Il est évident que les deux hommes ont à nouveau resserré leurs liens à l’occasion de cette question si symbolique.

L’abbaye du Monte Cassino sera entièrement reconstruite après la guerre.