De la seconde guerre mondiale et du rôle joué par l’armée française pendant cette tragique période, la mémoire collective française ne retient essentiellement que la défaite de 1940.
Nous savons en effet que l’armée française fut battue de manière spectaculaire, victime des erreurs du haut commandement et d’un pouvoir politique timoré, celui qui pourtant prit l’initiative de déclarer la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939, mais qui hésitera à lancer toute sérieuse offensive jusqu’au 10 mai 1940, jour de l’attaque allemande en Belgique. La Blitzkrieg (guerre éclair) eut ainsi raison des atermoiements français.
Les politiques
Face à cette armée défaite en cinq semaines et à l’avancée devenue irrésistible de l’armée allemande, les partisans de l’armistice eurent raison des quelques politiques désireux de poursuivre le combat (tel Georges Mandel ou Paul Reynaud, président du Conseil, qui démissionna le 16 juin 1940 cédant à la pression des partisans de l’armistice),
mais aussi du seul militaire souhaitant ardemment la poursuite du combat, le général de Gaulle, très isolé dans les jours précédents l’armistice, et dont la convergence de vue avec le premier ministre anglais, Winston Churchill, le conduira à fuir à Londres.
La France sera alors, après l’armistice du 22 juin 1940, coupée en deux par une ligne de démarcation. Ses institutions politiques et administratives resteront en place et la France occupée sera dirigée par un gouvernement formé par le maréchal Pétain à Vichy. Les deux tiers du territoire métropolitain sont alors sous occupation allemande.
Les parlementaires confieront les pleins pouvoirs au maréchal Pétain par la loi du 10 juillet 1940. Ce nouveau régime qui s’installe à Vichy se met ainsi en place en toute légalité. Avec cette loi constitutionnelle, les parlementaires parmi lesquels figurent les députés élus en 1936 (lors de l’élection qui amènera le Front Populaire au pouvoir et qui avait permis de réaliser de grandes conquêtes sociales comme les congés payés et la semaine de 40 heures) mettent fin à la IIIe République qui avait duré près de 70 ans. Le pouvoir est confié à un homme âgé de 85 ans.
Le nouveau régime qui se met en place comprendra de nombreuses personnalités politiques issues des gouvernements passés (et donc un nombre important d’hommes issus de la droite comme de la gauche), des syndicalistes et de jeunes technocrates qui s’illustreront de manière tristement célèbre dans ce régime.
L’empire français
En 1940, il est important de rappeler que la France dispose d’un empire colonial encore très conséquent, outre le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, la France est présente au Liban, en Syrie, en Afrique équatoriale et en Asie du Sud Est.
De ce fait, un nombre important de troupes est toujours stationné en Afrique. Une partie de ces troupes prit part aux combats de 1940 en France et en Belgique. Après l’armistice, cette armée d’Afrique est démobilisée mais elle constitue un réservoir d’hommes important.
L’armée d’Afrique en théorie demeurera fidèle à Vichy. Elle est légaliste, mais elle pense à la revanche, notamment sous l’influence de nombreux officiers qui joueront – à des degrés divers – un certain double jeu (on peut citer le général Weygand, le général Juin, le général de Lattre de Tassigny, le général Nogues).
En revanche, l’armée d’Afrique demeure particulièrement hostile au général de Gaulle, considéré comme pro-anglais et manipulé par ces derniers. La destruction de la flotte française par les Anglais à Mers-el-Kebir en juillet 1940 ne favorisera pas la tâche de ce dernier. Réfugié à Londres d’où il lancera son célèbre appel le 18 juin 1940, le général de Gaulle a alors peu, voire aucune, légitimité dans l’armée. La campagne de Syrie en 1941 illustrera cette guerre civile bien réelle où les Français ont commis l’exploit de se battre entre eux : armée d’Afrique contre Anglais et « Français libres ».
Il est certain que dans l’après-guerre les gaullistes préfèreront mettre en avant les faits d’armes de France Libre et que de fait ils passeront sous silence les combats de la campagne d’Italie souvent pour des raisons douteuses. Or, les faits sont là : les combats de la France Libre n’ont pas toujours été glorieux, tandis que ceux de l’Armée d’Afrique – bien supérieurs sur le plan stratégique comme ce site le montre et engageant un nombre d’hommes très important – furent peu ou prou dissimulés par la classe politique pro-gaulliste.
L’entrée en guerre des Etats-Unis
Après deux années d’occupation, la seconde guerre mondiale prend un nouveau tournant avec l’entrée en guerre des Etats-Unis après Pearl Harbor (7 décembre 1941).
L’armée d’Afrique attend son heure. Dans le courant de l’année 1942, les Américains par la présence de leur représentant en Algérie, Robert Murphy, prendront contact avec les officiers français présents au Maghreb. Les Américains n’ont alors aucune confiance en de Gaulle. Le président Américain Roosevelt prend ce dernier pour un apprenti-dictateur et ne s’en cache pas auprès de Churchill. Les Américains misent alors sur le général Giraud, évadé de sa prison de Koenigstein en avril 1942, qu’ils jugent plus gérable. Des contacts secrets sont pris par Eisenhower auprès de Giraud en 1942, puis par le général Mark W. Clark, auprès du général Mast, en octobre 1942. Il est important de signaler que de Gaulle n’aura strictement aucune influence sur les événements qui vont se dérouler en Afrique du Nord en cette fin d’année 1942.
Les Américains débarqueront en Algérie et au Maroc. Ce sera l’opération Torch, elle aura lieu le 8 novembre 1942. Pour certains officiers français de l’armée d’Afrique, il s’agira néanmoins de combattre les Américains et de réaliser ainsi un baroud d’honneur. La période est trouble, la victoire des Alliés contre l’Allemagne n’avait alors rien d’une évidence. Après la guerre, certains diront que l’armée d’Afrique s’était réellement battue pour l’honneur. Pourtant, il y aura près de 2.000 morts français et américains et le cessez-le-feu entre Français et Américains sera conclu après plusieurs jours de combats (notamment au Maroc) dans la confusion la plus totale. Il est donc permis de douter sur la totale sincérité de ce baroud d’honneur.
Contre toute attente, le cessez le feu et le maintien de la souveraineté française en Algérie et au Maroc feront l’objet d’accords conclus entre le général Mark W. Clark et l’amiral Darlan, présent au chevet de son fils Alain à Alger. Face aux atermoiements difficilement compréhensibles du général Giraud, l’amiral Darlan, l’homme de la collaboration militaire avec les Allemands, ministre de la Guerre et vice-président du conseil, sera ainsi l’homme des Américains en novembre 1942.
Son sens politique évident, ses qualités diplomatiques certaines et son autorité incontestée sur l’armée d’Afrique l’ont rendu en effet incontournable auprès des américains. Près de deux mois après l’opération Torch, son assassinat le 24 décembre 1942 par Fernand Bonnier de la Chapelle n’était certainement pas le fait d’un tueur isolé comme on a tenté de le faire croire. On sait aujourd’hui qu’il y eut un complot royaliste à son encontre, soutenu et financé par des gaullistes. Si de Gaulle n’a pas eu d’implication directe dans ce complot, il est prouvé en revanche que des gaullistes y ont participé sinon l’ont organisé.
Darlan en vie, il est certain que les choses se seraient déroulées de manière bien différente pour le général Giraud et le général de Gaulle dont l’avenir politique aurait certainement été compromis. Cet assassinat dont la nature politique fait peu de doute eut ainsi un impact majeur sur le cours des événements de cette fin d’année 1942 en vue de la préparation de la conférence de Casablanca de janvier 1943.
La présence des Américains en Afrique du Nord va ouvrir de nouvelles perspectives pour l’armée d’Afrique dirigée par le général Juin. Celui-ci ne cessera dès lors de militer pour la participation des Français aux futurs combats contre l’ennemi devenu commun.
L’armée française, très faiblement équipée, participera alors à la campagne de Tunisie au début de l’année 1943 destinée à libérer la Tunisie et à bouter l’Africa Korps hors du continent africain. Ce sera chose faite en mai 1943 après plusieurs mois de combats (auxquels participera le 4e R.T.T.). C’est dans ce contexte que les Alliés vont décider de se lancer à la conquête du Reich en débarquant en Sicile (opération Husky) en juillet 1943, puis en Italie (opération Avalanche) en septembre 1943. C’est le début de la longue campagne d’Italie au cours de laquelle auront lieu les batailles de Monte Cassino et du Belvédère.